vARiaTion
Une autre façon de regarder les tableaux... De penser les images
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Un ange Passe....
EDWARD HOPPER - OFFICE AT NIGHT- 1940
THOMAS LEVY LASNE - COUPLE 02 - 2011
Voici deux peintures qui se font face.
- L'une est d'Edward Hopper : Office at night - 1940
- L'autre est de Thomas Levy Lasne : couple 02 - 2011
Elles sont comme deux tasses de thé assises ensemble dans une même conversation,
cherchant les mains et la parole de leurs interlocuteurs.
Essayons de reprendre vie avec elles et la conversation là où elle s'est arrêtée.
A priori, nous allons le voir, ces tableaux évoquent les même choses.
Pour en parler la même composition :
- Un homme
- Une femme
- Le mobilier qui les relie. Il date à la fois l'époque et le type de relation qui les régit.
Voilà une femme de dos, chez Hopper, qui fait face à son avenir.
Laborieuse et tenace, elle fait sûrement partie de la Middle class américaine.
Un oiseau rouge s'est posé tôt ce matin sur ses lèvres.
C'est une promesse de bonheur.
Il est tard, il reste encore un peu de travail, encore un peu.... Classer, ranger.
Dans ces dernières tâches, elle n'est pas aidée par la lumière du jour,
enveloppée seulement par la lumière électrique.... lumière douce comme le premier rayon de soleil,
qui entre par la fenêtre et auréole maintenant son visage.
C'est la madone d'une modernisation à venir.
L'histoire se poursuit, dans le deuxième tableau (LASNE)
La femme s'est maintenant définitivement retournée, elle a les yeux grands ouverts sur le
monde. Le monde est son ordinateur. L'ordinateur est le monde. Le futur lui fait face.
Dans ces deux histoires, les hommes sont dans un corps-Ã -corps.
Corps-Ã -corps singulier dont les femmes sont exclues.
Avec le mobilier de l'époque ils ne font qu'un.
Le mobilier est leur dernier soutien, c'est leur ultime rempart.
Il y a l'homme-bureau (Hopper) et l'homme-canapé (Lasne).
Ils semblent absorbés.
Absorbés par une réfléxion : au travail chez Hopper, relaxation et méditation chez Lasne.
Rien ne les déconcentre, ils cherchent l'inspiration.
Dans chacun des 2 tableaux... entre l'homme et la femme... rien ne se passe... Immobilité suspendue... un ange passe
Dans cette immobilité absolue qui les réunit, mais aussi les sépare, plus rien à priori ne
semble circuler... plus rien n'en donne l'image...
Et pourtant...
- Regardons attentivement le tableau de HOPPER
La fenêtre entrebâillée laisse passer un courant d'air... l'air s'engouffre... le voile
bouge, c'est un murmure... c'est un souffle imperceptible. Suivent alors... les légers cliquetis - tlinck
tlinck - de la ficelle et de son anneau. Dans le même sillage que conduit le rayon de
lumière... fffrrr... les papiers volent, la femme se retourne et là ... là ... la porte ne va pas
tarder à claquer !!!
On est entre deux instants.
Deux instants qui nous font passer alors du visuel au sonore.
L'hypothèse du marchand d'art américain Bernard Danenberg, selon laquelle Hopper
souffrait d'une déficience auditive, prend peut-être sens sous nos yeux.(1)
Supposons alors ce qui se passe...
Dans son silence, Hopper invente la BANDE SON.
Elle va du presque audible au plus sonore.
La surdité aurait alors fortement imprégné son univers,
donnant le sentiment d'incommunicabilité qui engendre cette impression figée.
Peut-être Hopper fait-il revivre ici, des sens et sensations perdus.
- Dans le tableau de Lasne, même scénario supposé d'un courant d'air qui fait vibrer toute une trajectoire.
La même scène est assignée à résidence dans le reflet du miroir : une fenêtre entrouverte à gauche ( en position inversée par le fait du miroir ).
L'air s'engouffre, fait bouger le voile, le rideau.
La scène, telle qu'elle est peinte, donne l'impression d'être en dehors du cadre du tableau.
On ne la voit pas d'emblée. Elle est presque invisible.
Suite ultime de cet évènement, comme chez Hopper,
des feuilles du livre posé sur la table semblent bouger, affolées par ce souffle imperceptible.
3 choses tiennent ensemble dans ces 2 tableaux : le souffle, le voile , l'écriture.
C'est même très exactement le souffle qui unit tout.
Quelle valeur lui donner ? Quelle est sa signification, lui qui fait palpiter
imperceptiblement cet univers clos ?
Partie 2
FRA ANGELICO- ANNONCIATION
GIOTTO - ANNONCIATION A SAINTE ANNE
Un Ange passe
Il s'appelle Gabriel.
Les artistes de l'époque ont peint ses ailes aux couleurs de l'arc-en-ciel.
Il souffle un vent nouveau.
Un vent gonflé de voiles à venir qui prendront bientôt la direction du Nouveau Monde (1492-Découverte de l'Amérique).
Les couleurs hardies de ses plumes annoncent une ère nouvelle.
C'est une promesse de bonheur.
L'homme s'affranchit, ose des formes et des tons différents.
Il est maintenant au centre. Le Moyen-Âge est loin derrière lui.
C'est le début de l'Humanisme.
 la Renaissance, plus de 200 tableaux ont vu le jour autour de l'Annonciation.
Ces scénes des Evangiles se colorent de mille gammes inventées.
Mais toujours, un ange, incarnation du divin, annonce la parole de Dieu pour la naissance d'un fils prochain.
Récit bâtisseur de la religion chrétienne. Mystère de l'incarnation pour la Vierge Marie.
Des invariants colorent ainsi la scène.Scéne d'un monde clos, qu'il soit interprété par la maison ou le jardin:
- Les Ecrits (dans la main de Marie)
- Le souffle divin incarné (ange)
- Des pièces d'étoffe, à peine intérprétées dans leur rondeur : rideau, voiles, vêtements
se renvoyant l'un l'autre l'annonce bienheureuse de l'enfant à venir.
Comme dans la première partie, ces trois éléments : souffle, étoffe, écrit sont reliés.
Ils forment une chaine qui introduit au mystère d'une création... d'une
conception... d'une venue au monde... d'un enfant.
Mais revenons à nos premiers tableaux.
Partie 3
EDWARD HOPPER - OFFICE AT NIGHT- 1940
Dans cette troisième partie, le tableau de Lasne est en position inversée comme s'il était
une image miroir.
Le souffle est maintenant au centre. Les conversations sont dos à dos.
Reprenons-les là où elles se sont arrêtées et faisons face avec elles.
Ce souffle engouffré dans cet univers clos, engendre un mystère centré lui aussi sur
l'énigme de la création.
Dans ces deux tableaux, les tentures gonflées par cette brise mystérieuse et imperceptible,
renvoient, par analogie, aux pages écrites soulevées par le vent.
Pages écrites - feuilles de papier, chez Hopper / pages écrites d'un livre chez Lasne.
Ecrits alors engrossés et fertilisés par une inspiration ?
Inspiration qui aurait alors, métaphoriquement, la valeur de ce souffle?
. Les papiers à terre chez Hopper souligneraient-ils une inspiration en panne et désespérée?
. Le livre - robuste comme un socle de marbre - au centre du tableau chez Lasne refléterait-il une inspiration aboutie et heureuse?
La création est ici artistique.
Son mystère reste entier.
Comment l'inspiration vient-elle aux hommes ?
A quelle moment est-elle la plus fertile, la plus féconde?
- A la tombée de la nuit (office at night)?
- En se tournant vers l'avenir, ou en changeant d'époque?
Jour/nuit, Passé/avenir.
Le changement de cycle - et l'énigme (féminine) à laquelle il renvoie - est - il annonciateur en lui-même d'une promesse plus féconde?
Mystère de l'inspiration artistique, qui ne peut s'accomplir sans une totale solitude,
qu'aucune distraction ne doit venir pertuber.
Anne GALZI
THOMAS LEVY LASNE - COUPLE 02 - 2011